lundi 14 mars 2011

Prélude Russe


Andreï Tarkovski - Solaris

Mes premières minutes de cinéma. Après cela,  j'avais compris. Que l'enjeu n'était pas seulement de projeter plusieurs pellicules sur un mur blanc. Qu'il faut montrer autre chose. Cet autre chose, c'est le Cinéma.

Cela commence avec du Johann Sebastian. Un générique sobre, en blanc sur noir. Dans une langue étrangère, hermétique à nos esprits. Longue pression de clavecin.

Une rivière. Le bruit de l'eau. Le courant qui tire les algues touffues vers la gauche. Une feuille morte traverse l'écran. Des plantes qui dépassent de l'eau. Un homme. Il ne parle pas. Il réfléchi à moitié, le regard de travers. Un insecte bourdonne.

Et là.

Des algues dans l'eau. Les fines tiges remuent. Flottent. Se pâment dans le fluide. Un lent zoom. Comme pour nous en souligner l'importance de ce court instant. Puis c'est finit. Ça ne dure exactement que 22 secondes. Et pourtant cela résume tout. Et pourtant cela implique tant.

C'est un doux balancement de la nature, du vivant, et plus largement du monde. Comme un effet spécial que James le camerounais ne peut se payer, même en y mettant tout l'argent du monde. C'est du réel, du biologique. Une immense quantité d'énergie, condensée en matière, reproduite sur pellicule, puis sur nos pupilles. Juste des algues qui s'agitent dans l'eau.

C'est le flux qui traverse les éléments, sans les changer, les enlever de leurs racines. Juste une ondulation. Impossibilité de se défaire de son origine, impossibilité de sortir de son monde. Alors c'est le monde qui vient nous toucher, se peindre sur nous. Et provoquer la légère vibration.

C'est la Terre originel. L'art de l'émerveillement contemplactif. Image temps, image du temps, image de notre vie, de nos souvenirs en train de s'oublier par eux mêmes.

C'est ce que dit le film. C'est ce que disent les algues.

C'est une belle contemplation, une promenade émerveillée. A vivre dans tous les sens. Se laisser portée. Malgré l'incertitude. Malgré le fluide qui ralenti. Malgré l'inconnu.

Ces algues vertes me dépassent. Je ne les comprends pas. Je ne peux que les observer. C'est moi en face du monde, à l'état pur. C'est une étude, une expérimentation de la réalité, la vie, du tout. Ça pose des questions.

Ça me rappelle toutes mes randonnées, toutes mes solitudes accompagnés du monde tel qu'il est. Ça freine mes colères, ca tempère mes emportements. Ça me donne une raison suffisante pour éprouver de l'amour.

Ça me hante, lorsque l'eau s'écoule doucement du robinet, du pommeau de douche. Ça se dessine sur la paroi de mon crâne tandis que je sombre dans l'hypnagogie.

Ce n'est rien.
C'est le deuxième plan du film.
C'est notre premier plan de cinéma.

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